jeudi 24 janvier 2013

Dans la maison d'Anna de Noailles


Hier, lundi 3 décembre, nous avons pris le temps de quelques lectures d'Anna de Noailles, dont les textes ont soulevé le débat de savoir si cette auteure était encore lisible ou non : ses alexandrins tous dirigés vers une sensibilité exacerbée, nature ou chagrin, irritent certains, attendrissent d'autres. Aussi nos poètes, à partir du thème de la maison, récurrence dans L'Ombre des jours, ont tenté de mettre des mots sur ce que signifait pour eux cette maison...

Dans ma maison

Silence.
Le chat tricote la laine du sommeil
près de la cheminée
pépillantes
d'étoiles filantes
Les rideaux bleus s'enlacent à s'aimer
dans les caresses
fauves
d'un vent d'été
Les meubles ne rêvent plus d'être
à nouveau arbres
J'écoute les vibrations turquoises
de ma nuit
sans sommeil
J'écoute les ronflements joufflus
des monstres
endormis sous ma chaise
Rien. Rien que mon regard de chien léchant
le cul du firmament.
J'écoute à ne plus voir.
Ma maison je l'ai oubliée en la cécité blanche de cette nuit de neige.

Maël.


Partis-pris/ Trahison

Maisonnée,
Ma maison
a assez zoné
étalée, en sourdine
révoltée, balladine
Sont-elles démodées
Mes terminaisons !
Pimentées
Mes liaisons...
Faut-il que l'on chagrine la construction ?
Devrais-je l'abandonner, l'immoler ?
-Extermination ! Extermination !
-Alors, Odorantes exhalaisons, dussiez-vous m'apparaître
au son de l'amiante ou du carillon :
-Alors malfaisantes punitions, vouliez-vous me connaître
et me dénoncer, à ces phrasés types, trahison !
à ces romantiques, trahison !
Ah mes cruels chants
ô ma prison
Romancée, modelée, dégradée
Ne peut-elle pas demeurer
modernisée ?

Mathieu.


Coups de pied de coudes de cou
De corps.
Des bleus et des jurons.
Et Crac
Et Gnou.
J'ai fracturé la porte, arbre mort scalpé.
Entrons, pour tout piquer.
Moi alors je vole les clebs, les clefs
Cleptomane.
Ca passe le temps de cuisiner
les vieilles.
Bijoux ?! Cailloux ?! Hiboux ?!
Où t'as planqué ton or ?
les biftons, le flouze, blé, tunes. Ha !
J'ai ma réponse.
Courir.
Pisser dans l'antre l'entrée.
Faire comme chez soi chez les autres.
Et s'en aller.
Pas bredouille pour un sou.

Théo.


Dans la maison
Si ça se trouve
chaque battement du coeur au chauffage
se démultiplie sans faire écho
la maison s'échappe silencieuse.
Rien de pire qu'une fugue de gaz
pour s'effacer chez soi.
Qui paiera les factures ?
Si on tombe en miettes, éparpillés ?
Est-ce feng shui de partir ainsi à son âge ?
Rien à faire là-dedans
tout était question d'une petite maladresse.

Bent.


Sur mon pallier, une araignée tricotait sa couronne.
Je vous aux cieux un arc-en-ciel tombé sur mes idoles.
Je construis ma maison,
Et j'enlève mes chaussons.
Brique par brique, pièce par pièce,
Bam ! et Bam ! fait le marteau.
Moi je monte un peu plus haut.
Frzzzz ! fait le tournevis.
Je m'emporte et je glisse,
Et remonte sur l'escabeau.
J'installe les linos.
Tous les jours me lèvent,
Tous les jours me crèvent
Pour finir cette maison.
Usés, tous mes pantalons !
Heureusement que mes amis
Son bien là aussi.
Tous les vendredis
On se réunit
Pour bientôt finir le toit.
Moi je reste en bas.
Flop ! Flop ! tombent les flocons
Sur ma maison.
Et moi près de l'âtre,
Je retrouve mes chaussons
Au coeur de ma maison.

Paul.


A marcher dans les rues, ces couloirs pleins de vent,
on ne regarde pas les maisons tout autour.
A droite ou à gauche, des cuisines, des chambres,
des salons, des greniers, et des bureaux savants...
Des tas, des tas d'appartements où j'irais faire un tour
si la porte s'ouvrait sur le froid de décembre !
Mais les portes fermées restent longtemps fermées,
quand bien même on les ouvre, on les claque plus fort
qu'un marteau une enclume. Et moi je n'y vais pas...
Hommes égoïstes ! Tous ces secrets semés
dans de lourdes malles, dans de gros coffres-forts,
ou bien jetés par terre et salis par vos pas,
laissez-moi les aimer et les mener chez moi !
Je leur ferai une place dans ma maison,
je leur laisserai tout l'espace qu'il leur faut !
J'écouterai le chant que racontent leurs voix,
et je leur parlerai de la morte-saison
qui a duré ma vie, et que j'ai enfin chaud
d'avoir quelques secrets à mettre sous mon toit,
et que j'ai enfin chaud d'avoir de leurs tisons.

Chloé.

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