jeudi 24 janvier 2013

Le Mot Ment à l'heure espagnole


Après la lecture d'un conte de Charles Bukowski,  deux poètes furent mis à l'honneur ce lundi 21 janvier . Ils sentaient bon le Chili con carne et la gitanerie. Devant le recueil vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée de l'écrivain et penseur chilien Pablo Nerudales poètes du mot ment ont laissé leur coeur voguer sur les flots de l'amour et de la couleur. Ce ne fut pas une mince affaire. Certains y ont laissé des plumes. Un exemple. A force de travail, notre ami Marc a  brillé dans l'atelier d'écriture, réalisant une performance hors du commun: écrire un poème en plus de trois semaines et demi! Haha. Sacré Marc. Théophile (le nouveau Rimbaud de la fac de lettres) a inscrit lui aussi son nom au palmarès de l'Olympe poétique. En effet, lors de l'épreuve redoutée de tous (qui consistait à écrire un poème d'amour), il a métaphoriquement enchanté le public avec son "bâton de chamane multicolore". Monsieur a parlé des vaisseaux de l'épaule d'Orion, de frissons électriques. Qui es-tu ô divin aède Théophile? De révélations en révélations, l'heure avançant, Fédérico Garcia Lorca a remis un peu d'ordre et de réalisme dans cette existence passionnée. Laurent le charmeur des espaces verts a complété le Village de Garcia Lorca de ses exclamations révoltées, véritables grenades au milieu des élégies collectives! Grenade, Cordoue, Seville, des villes chères au poète et dramaturge espagnol, défenseur de la culture tzigane dans Romancero Gitano (1928), employeur privé de la "lune et de la couleur verte" comme symbolique de la mort et de l'eau vive, celle qui coule, l'eau des Vosges du poète Théo Maurice, gardien de la cité des Counehets. Les lectures des deux amis révolutionnaires, en V.O sous la langue du seigneur Bent Mendez Thérèse d'Avila, se poursuivirent dans l'ambiance studieuse et apaisée des compères du CCAN, mens sana in corpore sano. 

Voici en exclusivité quelques poèmes de l'Assemblée Hispanique du soir. Trois thèmes : poème d'amour, mon village, et poème libre.


Théophile

Poème d'Amour: Fantaisie.

J'aime mon flingue
Mon bâton de Chamane
Ce pinceau multicolore 
Qui a peint toutes les femmes.
Mais te souviens-tu belle déesse aux seins verts
Les vaisseaux de feu de l'épaule d'Orion
Ce rayon cosmique fabuleux
Qui a dirigé l'ombre des portes d'or de Tonhausen?
Ma mémoire fissurée est pleine d'un plâtre de mythes
Et mes rêves sont plus vrais que mes jours;
J'avais dix-huit ans je n'ai pas passé le bac pour prendre le train.
Nous buvions des alcools exotiques et quand ta mère sortait
Nous voulions des frissons électriques.
Mais tout s'en va
Les portes de Tonhausen se referment,
Je n'entends plus que de loin les prières du chamane.
Mon coeur est un oiseau aux ailes brisées.


Mon Village


Quoi ? Un village !
Je n'ai connu que la ville;
Les rues violettes où dansent les chats et les poubelles.
Le fracas des cloches de huit églises
Les flaques d'essence où naissent les arcs-en-ciel
Mais de villages ensoleillés ou dans la neige
Jamais.


Bent

Poème d'amour


Tous ces enfants qu'on a pas eus
C'est bien sûr de ma faute
Et ton sourire n'est-ce pas?
C'est moi notre passé ensemble, notre rythme, notre chanson
Le mensonge le vrai 
Tu le paies encore et encore
Une peau trop chère et...
Que feras-tu sans moi
Quand je ne serai pas mort?


Mon village


Un village aux oiseaux morts 
C'est rarement très propre
Mais sans tes plumes qui puent
Personne n'y habite.



Ma galère est un bateau
Où tout le monde monte
Mais personne ne gouverne
Ma galère est comme un navire devenu musée
Comme si on s'écrasait à Isla Negra
Sans voir la maison
De Pablo Neruda.
Ma galère est comme frappée par un obus
Elle vole en miettes mais elle flotte
Elle marche sur l'eau comme un dieu aux petits miracles
Dont chaque geste divin
Chaque parabole
Chaque devinette
Est une vente gachée dans ma galère marchande
Ou une belle vente si je suis le perdant.
Elle traverse mes eaux les plus sensibles,
Indifférente.



Théo

Amour sans objet

Tu vois c'est un truc 
Quelque part
Mailles de mon pantalon le portent
Ami
Fardeau
Qui circule à tout va, hors, sur, en, pour
Moi peut-être?
Véhicule ivre des choses
Un truc. Des choses.
Pour qui pour rien qui
Ramasse les poils qui tombent pelures d'ongles 
D'oignons de cils et ne les libère que morts
Tu vois
Tu vois, un truc,
Boulimique repu jamais
Ne sais que qui saisir alors prends tout.
Râpe à fromage, lobe de vieille sonnette soleil
Crabe en boîte Réceptionniste 
Un sacré truc.


Mon village


C'est une marotte
Un toc
Une lubie de vieux singe
Le moindre hameau je le fais mien
Je dis "mon"
Mon église, mon maire, mon trottoir.
Je dis "ma"
Ma boulangère, ma place.
Maintenant j'arrête.
Je mange les mots au P.M.U
Démuni de possessions
J'attends une femme.



Sans thème c'est l'errance, une choucroute. Quoi!?
Sans base, de l'imprévu, du rien, des phrases brèves sans
Sans début, vers trébuchent, s'entre...
S'entrechoquent à faire vomir Haddock
Sans blague.
Le scribouillard se tait.
Santé!


Marc :

    Ce soir

    Ce soir,
    J'irai frapper à ta porte
    On n'se connait pas
    Je le sais mais qu'importe
    Chaque matin, je te vois
    Et il ne se passe pas un jour
    Qu'après t'avoir croisée
    Mon âme en manque d'amour
    La soeur se dit avoir trouvée
    Si tu me connaissais, mon élan
    Tu saurais que je n'ai de cran
    Seulement pour arpenter le froid
    Aller acheter feuilles et tabac
    Mais pour toi je me surpasserai
    Pour toi, je me ferai guerrier
    Guerrier du coeur et du corps
    Combattant le drame et la mort.


    Rare & pas court

    Rarécourt,
    Si tu prends son nombre d'habitants
    C'est-à-dire deux cents
    Et que tu le divises par quatre
    Comme les quatre parfums de notre dictât
    Tu trouveras sa taille
    Oui cinquante centimètres!
    Tu as raison, ce n'est pas une paille
    Ce n'est qu'un sabre de maître
    Oui mon chibre est rare
    Comme une chips au goût de cigare
    Et comme tu peux le constater à ce jour
    Il est loin d'être court.

    Alysson :

    Poème d'amour

    Pourtant je t'aime
    C'est comme ça
    et pas autrement
    Si ça te pose un problème
    Si c'est un comportement 
    qui ne te convient pas
    et bien je t'aime
    quand même.

    Si ce n'est pas ton cas
    ce n'est pas grave
    Je ferai semblant 
    mais continuerai
    mes sentiments

    Et pourtant tu ne le sais même pas !


    Mon village

    De la poussière grise et sans lumière. 
    Horizons perturbés des ciels en confusions.
    Sans maison, ni arbre,
    mon village est candélabre. 
    J'ai tous les vices et tous les âges
    A parcourir les vents,
    les doigts dans le pot à fioritures
    Plus de soleil, quelques allumettes
    pour me souvenir d'un Néant.
    Village perdu, perclus
    dans les méandres,
    sous trois tonnes de poussières.
    De la poussière grise et sévère.
    Prisonnière par le vide.
    Village sans vie,
    déserté pour une réalité,
    tu persistes à résister,
    caché au fond du tiroir. 


    Chloé


    Un poème d'amour


    Les mots dits mille fois
    A redire encore
    Devant l'horizon penché sur le monde
    Sous les ombrelles d'antan
    Sur les terrasses urbaines
    Dans les jardins parfumés

    Les mots dits mille fois
    Et qu'on a regrettés 
    D'avoir dits
    D'avoir tus
    Ou qu'on a oubliés

    Devant l'horizon
    Sous les ombrelles
    Sur les terrasses
    Dans les jardins

    Dix mille fois rendus
    Dix mille fois usés
    Diminués, foutus
    Et pourtant toujours là!


    Mon village


    Mon village scruté jusqu'à la moelle:
    Ses chemins défoncés,
    Ses façades en enfilade,
    Ses champs tout autour
    Images défilant à toute allure.

    Et puis tout s'arrête 
    Sur une grange prête à tomber,
    Les trésors qu'elle renferme
    Entre ses planches pourries

    Et tout repart entre les maisons
    Pleines d'inconnus 
    Un chien derrière une grille sale
    Qui m'appelle.

    Mon village défile encore à toute allure
    Jusqu'à la moelle de mes os
    Si vite que tout se brouille
    Et tout s'éteint.


    Thème libre


    Libre dans la limite de mon corps
    Libre dans la limite de mon crâne
    Mais libre quand même
    Au moins un peu 
    Un peu libre de croire
    "Être libre"
    Libre comme l'air
    L'air coincé dans un poumon
    L'air coincé dans l'espace 
    Être libre comme l'air 
    Ou avoir l'air libre 
    Mais libre quand même.


    Mathieu


    Un poème d'Amour. Possibilité qui vivra, vite avortera. Aveu d'impuissance.


    De la forme ou du fond j'ai longtemps hésité
    Contre toi, mon amour, il y aura
    Des dahlias
    Du mimosa
    Des glaieuls 
    Des acacias.

    Ma grande gueule se tait, devant Neruda.

    De la forme ou du fond j'ai souvent hésité.
    Contre toi, mon amour, il y aura
    Des beaux draps
    Des dégâts
    Du chèvre-feuille
    Du lila.

    Ma grande gueule se tait, devant Neruda.

    De la forme ou du fond enfin je sais
    C'est la chèvre qui sera, 
    Là-bas...
    C'est ma feuille qui desséchera
    Ma plume, qui s'effacera.

    Je désespère car écrire l'Amour
    Je n'y arrive pas.
    La chanson s'arrête mais toi...

    Allez, viens là.


    Mon village. Dieu m'a donné une voix: mon village poétique s'est mu d'inspirations mammaires astronomiques.


    Mon village est une homélie,
    En Hiver
    Ophélie droite sur l'eau, belle battante
    Personnage.
    Coule alors quelques larmes sur cette terre
    Que le temps glace
    En Hiver.

    Quand ma tête dresse, en l'air
    Des bagages sur une crête, un mirage.

    Mon village alors survit,
    Et mes lettres dans le froid
    Alertent,
    Ma poésie.

    Elle, elle vivifie 
    Electrisante
    L'homélie.

    Mon âge prend le pari,
    Musical
    De pouvoir traiter, 
    Abyssal
    Tous les dieux dont la foi,
    Lacrymale
    Ignore qu'un jour à Tomblaine
     Dans mes délices 
    J'ai écouté,
    Peut-être était-ce un dérapage,
    Mais après tout
    C'était dans les 90's
    En Hiver,
    Une mélodie,
    Winter.

    Poème libre. Il est tard

    Il faut rentrer, toujours.
    Dans ma bouche
    Un cookie,
    Au four.

    Il faut rentrer, dire bonjour.
    Poliment 
    Tes atours
    Sont charmants.

    IL faut rentrer, amour.
    Noble passant
    Car l'élégie vaut bien
    Un détour.

    Il fait rentrer, toujours.
    Dans ma bouche
    Un cookie,
    Au four.

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