Après la lecture d'un conte de Charles Bukowski, deux poètes furent mis à l'honneur ce lundi 21 janvier . Ils sentaient bon le Chili con carne et la gitanerie. Devant le recueil vingt poèmes d'amour et une chanson désespérée de l'écrivain et penseur chilien Pablo Neruda, les poètes du mot ment ont laissé leur coeur voguer sur les flots de l'amour et de la couleur. Ce ne fut pas une mince affaire. Certains y ont laissé des plumes. Un exemple. A force de travail, notre ami Marc a brillé dans l'atelier d'écriture, réalisant une performance hors du commun: écrire un poème en plus de trois semaines et demi! Haha. Sacré Marc. Théophile (le nouveau Rimbaud de la fac de lettres) a inscrit lui aussi son nom au palmarès de l'Olympe poétique. En effet, lors de l'épreuve redoutée de tous (qui consistait à écrire un poème d'amour), il a métaphoriquement enchanté le public avec son "bâton de chamane multicolore". Monsieur a parlé des vaisseaux de l'épaule d'Orion, de frissons électriques. Qui es-tu ô divin aède Théophile? De révélations en révélations, l'heure avançant, Fédérico Garcia Lorca a remis un peu d'ordre et de réalisme dans cette existence passionnée. Laurent le charmeur des espaces verts a complété le Village de Garcia Lorca de ses exclamations révoltées, véritables grenades au milieu des élégies collectives! Grenade, Cordoue, Seville, des villes chères au poète et dramaturge espagnol, défenseur de la culture tzigane dans Romancero Gitano (1928), employeur privé de la "lune et de la couleur verte" comme symbolique de la mort et de l'eau vive, celle qui coule, l'eau des Vosges du poète Théo Maurice, gardien de la cité des Counehets. Les lectures des deux amis révolutionnaires, en V.O sous la langue du seigneur Bent Mendez Thérèse d'Avila, se poursuivirent dans l'ambiance studieuse et apaisée des compères du CCAN, mens sana in corpore sano.
Voici en exclusivité quelques poèmes de l'Assemblée Hispanique du soir. Trois thèmes : poème d'amour, mon village, et poème libre.
Théophile
Poème d'Amour: Fantaisie.
J'aime mon flingue
Mon bâton de Chamane
Ce pinceau multicolore
Qui a peint toutes les femmes.
Mais te souviens-tu belle déesse aux seins verts
Les vaisseaux de feu de l'épaule d'Orion
Ce rayon cosmique fabuleux
Qui a dirigé l'ombre des portes d'or de Tonhausen?
Ma mémoire fissurée est pleine d'un plâtre de mythes
Et mes rêves sont plus vrais que mes jours;
J'avais dix-huit ans je n'ai pas passé le bac pour prendre le train.
Nous buvions des alcools exotiques et quand ta mère sortait
Nous voulions des frissons électriques.
Mais tout s'en va
Les portes de Tonhausen se referment,
Je n'entends plus que de loin les prières du chamane.
Mon coeur est un oiseau aux ailes brisées.
Mon Village
Quoi ? Un village !
Je n'ai connu que la ville;
Les rues violettes où dansent les chats et les poubelles.
Le fracas des cloches de huit églises
Les flaques d'essence où naissent les arcs-en-ciel
Mais de villages ensoleillés ou dans la neige
Jamais.
Bent
Poème d'amour
Tous ces enfants qu'on a pas eus
C'est bien sûr de ma faute
Et ton sourire n'est-ce pas?
C'est moi notre passé ensemble, notre rythme, notre chanson
Le mensonge le vrai
Tu le paies encore et encore
Une peau trop chère et...
Que feras-tu sans moi
Quand je ne serai pas mort?
Mon village
Un village aux oiseaux morts
C'est rarement très propre
Mais sans tes plumes qui puent
Personne n'y habite.
Ma galère est un bateau
Où tout le monde monte
Mais personne ne gouverne
Ma galère est comme un navire devenu musée
Comme si on s'écrasait à Isla Negra
Sans voir la maison
De Pablo Neruda.
Ma galère est comme frappée par un obus
Elle vole en miettes mais elle flotte
Elle marche sur l'eau comme un dieu aux petits miracles
Dont chaque geste divin
Chaque parabole
Chaque devinette
Est une vente gachée dans ma galère marchande
Ou une belle vente si je suis le perdant.
Elle traverse mes eaux les plus sensibles,
Indifférente.
Théo
Amour sans objet
Tu vois c'est un truc
Quelque part
Mailles de mon pantalon le portent
Ami
Fardeau
Qui circule à tout va, hors, sur, en, pour
Moi peut-être?
Véhicule ivre des choses
Un truc. Des choses.
Pour qui pour rien qui
Ramasse les poils qui tombent pelures d'ongles
D'oignons de cils et ne les libère que morts
Tu vois
Tu vois, un truc,
Boulimique repu jamais
Ne sais que qui saisir alors prends tout.
Râpe à fromage, lobe de vieille sonnette soleil
Crabe en boîte Réceptionniste
Un sacré truc.
Mon village
C'est une marotte
Un toc
Une lubie de vieux singe
Le moindre hameau je le fais mien
Je dis "mon"
Mon église, mon maire, mon trottoir.
Je dis "ma"
Ma boulangère, ma place.
Maintenant j'arrête.
Je mange les mots au P.M.U
Démuni de possessions
J'attends une femme.
Sans thème c'est l'errance, une choucroute. Quoi!?
Sans base, de l'imprévu, du rien, des phrases brèves sans
Sans début, vers trébuchent, s'entre...
S'entrechoquent à faire vomir Haddock
Sans blague.
Le scribouillard se tait.
Santé!
Marc :
Ce soir
Ce soir,
J'irai frapper à ta porte
On n'se connait pas
Je le sais mais qu'importe
Chaque matin, je te vois
Et il ne se passe pas un jour
Qu'après t'avoir croisée
Mon âme en manque d'amour
La soeur se dit avoir trouvée
Si tu me connaissais, mon élan
Tu saurais que je n'ai de cran
Seulement pour arpenter le froid
Aller acheter feuilles et tabac
Mais pour toi je me surpasserai
Pour toi, je me ferai guerrier
Guerrier du coeur et du corps
Combattant le drame et la mort.
Rare & pas court
Rarécourt,
Si tu prends son nombre d'habitants
C'est-à-dire deux cents
Et que tu le divises par quatre
Comme les quatre parfums de notre dictât
Tu trouveras sa taille
Oui cinquante centimètres!
Tu as raison, ce n'est pas une paille
Ce n'est qu'un sabre de maître
Oui mon chibre est rare
Comme une chips au goût de cigare
Et comme tu peux le constater à ce jour
Il est loin d'être court.
Alysson :
Poème d'amour
Pourtant je t'aime
C'est comme ça
et pas autrement
Si ça te pose un problème
Si c'est un comportement
qui ne te convient pas
et bien je t'aime
quand même.
Si ce n'est pas ton cas
ce n'est pas grave
Je ferai semblant
mais continuerai
mes sentiments
Et pourtant tu ne le sais même pas !
Mon village
De la poussière grise et sans lumière.
Horizons perturbés des ciels en confusions.
Sans maison, ni arbre,
mon village est candélabre.
J'ai tous les vices et tous les âges
A parcourir les vents,
les doigts dans le pot à fioritures
Plus de soleil, quelques allumettes
pour me souvenir d'un Néant.
Village perdu, perclus
dans les méandres,
sous trois tonnes de poussières.
De la poussière grise et sévère.
Prisonnière par le vide.
Village sans vie,
déserté pour une réalité,
tu persistes à résister,
caché au fond du tiroir.
Chloé
Un poème d'amour
Les mots dits mille fois
A redire encore
Devant l'horizon penché sur le monde
Sous les ombrelles d'antan
Sur les terrasses urbaines
Dans les jardins parfumés
Les mots dits mille fois
Et qu'on a regrettés
D'avoir dits
D'avoir tus
Ou qu'on a oubliés
Devant l'horizon
Sous les ombrelles
Sur les terrasses
Dans les jardins
Dix mille fois rendus
Dix mille fois usés
Diminués, foutus
Et pourtant toujours là!
Mon village
Mon village scruté jusqu'à la moelle:
Ses chemins défoncés,
Ses façades en enfilade,
Ses champs tout autour
Images défilant à toute allure.
Et puis tout s'arrête
Sur une grange prête à tomber,
Les trésors qu'elle renferme
Entre ses planches pourries
Et tout repart entre les maisons
Pleines d'inconnus
Un chien derrière une grille sale
Qui m'appelle.
Mon village défile encore à toute allure
Jusqu'à la moelle de mes os
Si vite que tout se brouille
Et tout s'éteint.
Thème libre
Libre dans la limite de mon corps
Libre dans la limite de mon crâne
Mais libre quand même
Au moins un peu
Un peu libre de croire
"Être libre"
Libre comme l'air
L'air coincé dans un poumon
L'air coincé dans l'espace
Être libre comme l'air
Ou avoir l'air libre
Mais libre quand même.
Mathieu
Un poème d'Amour. Possibilité qui vivra, vite avortera. Aveu d'impuissance.
De la forme ou du fond j'ai longtemps hésité
Contre toi, mon amour, il y aura
Des dahlias
Du mimosa
Des glaieuls
Des acacias.
Ma grande gueule se tait, devant Neruda.
De la forme ou du fond j'ai souvent hésité.
Contre toi, mon amour, il y aura
Des beaux draps
Des dégâts
Du chèvre-feuille
Du lila.
Ma grande gueule se tait, devant Neruda.
De la forme ou du fond enfin je sais
C'est la chèvre qui sera,
Là-bas...
C'est ma feuille qui desséchera
Ma plume, qui s'effacera.
Je désespère car écrire l'Amour
Je n'y arrive pas.
La chanson s'arrête mais toi...
Allez, viens là.
Mon village. Dieu m'a donné une voix: mon village poétique s'est mu d'inspirations mammaires astronomiques.
Mon village est une homélie,
En Hiver
Ophélie droite sur l'eau, belle battante
Personnage.
Coule alors quelques larmes sur cette terre
Que le temps glace
En Hiver.
Quand ma tête dresse, en l'air
Des bagages sur une crête, un mirage.
Mon village alors survit,
Et mes lettres dans le froid
Alertent,
Ma poésie.
Elle, elle vivifie
Electrisante
L'homélie.
Mon âge prend le pari,
Musical
De pouvoir traiter,
Abyssal
Tous les dieux dont la foi,
Lacrymale
Ignore qu'un jour à Tomblaine
Dans mes délices
J'ai écouté,
Peut-être était-ce un dérapage,
Mais après tout
C'était dans les 90's
En Hiver,
Une mélodie,
Winter.
Poème libre. Il est tard
Il faut rentrer, toujours.
Dans ma bouche
Un cookie,
Au four.
Il faut rentrer, dire bonjour.
Poliment
Tes atours
Sont charmants.
IL faut rentrer, amour.
Noble passant
Car l'élégie vaut bien
Un détour.
Il fait rentrer, toujours.
Dans ma bouche
Un cookie,
Au four.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire